Mais qu’entend-on exactement par clientèle ? Comment celle-ci est-elle protégée contre les atteintes de la concurrence ? Et comment peut-elle être transmise lors de la cession du fonds de commerce ?
La notion de clientèle
La clientèle est l’élément essentiel du fonds de commerce, qui regroupe l’ensemble des biens et des droits utilisés par un commerçant pour exercer son activité. Mais comment définir et protéger la clientèle dans le cadre du fonds de commerce ?
La définition de la clientèle
La clientèle peut être définie comme l’ensemble des personnes qui se fournissent habituellement ou occasionnellement chez un commerçant. Il s’agit donc d’un rapport contractuel entre le commerçant et ses clients, qui génère un chiffre d’affaires et des bénéfices. Pour qu’une clientèle soit reconnue comme telle, il faut qu’elle réponde à trois critères : l’existence, l’autonomie et l’attachement au fonds de commerce.
- L’existence de la clientèle suppose qu’elle soit réelle, actuelle et certaine. Il ne suffit pas d’avoir une simple possibilité de clientèle, il faut qu’elle soit effective et mesurable. Par exemple, un commerçant qui n’a pas encore ouvert son magasin ne peut pas prétendre avoir une clientèle.
- L’autonomie de la clientèle implique qu’elle soit indépendante de la personne du commerçant. Il faut que la clientèle soit attachée au fonds de commerce et non au commerçant lui-même. Par exemple, un médecin qui exerce son activité à titre individuel ne peut pas céder sa clientèle, car elle est liée à sa compétence et à sa réputation personnelle.
- L’attachement de la clientèle au fonds de commerce signifie qu’elle soit liée aux éléments matériels ou immatériels du fonds, tels que le local, l’enseigne, le nom commercial, la marque, etc. Il faut que la clientèle soit susceptible de suivre le fonds en cas de cession. Par exemple, une clientèle de passage qui fréquente un magasin en raison de sa situation géographique est attachée au fonds de commerce.
La clientèle peut être de différentes natures selon le type d’activité du commerçant. On distingue ainsi la clientèle de passage, qui est attirée par le lieu d’implantation du fonds, de la clientèle fidèle, qui est fidélisée par la qualité des produits ou des services offerts. On distingue également la clientèle locale, qui est limitée à une zone géographique restreinte, de la clientèle nationale ou internationale, qui est étendue à un marché plus large.
La protection de la clientèle
La clientèle est un élément essentiel du fonds de commerce, qui doit être protégé contre les atteintes de la concurrence. Pour cela, le commerçant dispose de plusieurs moyens de protection, qui relèvent du droit des marques, du droit du nom commercial, du droit de l’enseigne, du droit au bail, etc.
- Le droit des marques permet au commerçant de protéger les signes distinctifs qui identifient ses produits ou ses services, tels que les mots, les logos, les couleurs, les sons, etc. Le commerçant peut ainsi empêcher les concurrents d’utiliser des signes identiques ou similaires qui pourraient créer une confusion dans l’esprit des consommateurs. Par exemple, le commerçant qui exploite la marque “Nike” peut interdire à un autre commerçant d’utiliser la marque “Niky” pour des produits similaires.
- Le droit du nom commercial permet au commerçant de protéger le nom sous lequel il exerce son activité, qui est souvent le nom de son entreprise ou de sa société. Le commerçant peut ainsi empêcher les concurrents d’utiliser un nom identique ou similaire qui pourrait porter atteinte à sa notoriété ou à sa réputation. Par exemple, le commerçant qui exploite le nom commercial “Carrefour” peut interdire à un autre commerçant d’utiliser le nom commercial “Carrefour Market” pour une activité similaire.
- Le droit de l’enseigne permet au commerçant de protéger le signe apposé sur le local où il exerce son activité, qui sert à attirer et à orienter la clientèle. Le commerçant peut ainsi empêcher les concurrents d’utiliser une enseigne identique ou similaire qui pourrait créer une confusion dans l’esprit des consommateurs. Par exemple, le commerçant qui exploite l’enseigne “McDonald’s” peut interdire à un autre commerçant d’utiliser l’enseigne “McDo” pour une activité similaire.
- Le droit au bail permet au commerçant de protéger le local où il exerce son activité, qui est souvent un élément déterminant de l’attraction de la clientèle. Le commerçant peut ainsi bénéficier du droit au renouvellement du bail, qui lui assure de conserver le local à l’expiration du contrat de location. Le commerçant peut également bénéficier du droit de préemption, qui lui donne la priorité pour acheter le local en cas de vente par le propriétaire.
Toutefois, la protection de la clientèle n’est pas absolue, elle doit respecter certaines limites, qui relèvent de la liberté du commerce et de l’industrie, du droit de la concurrence, du droit de la consommation, etc.
La liberté du commerce et de l’industrie est un principe constitutionnel, qui garantit à toute personne le droit d’exercer l’activité économique de son choix, dans le respect de l’ordre public et des lois. Ce principe implique que la protection de la clientèle ne doit pas entraver la libre concurrence entre les commerçants, qui est bénéfique pour le développement économique et social. Par exemple, le commerçant qui bénéficie d’une protection de sa clientèle ne peut pas empêcher un concurrent de s’installer à proximité de son fonds, sauf s’il commet un acte de concurrence déloyale.
Le droit de la concurrence est un ensemble de règles, qui visent à prévenir et à sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, qui sont susceptibles de fausser le jeu de la concurrence sur le marché. Ces pratiques peuvent être le fait des commerçants eux-mêmes, qui peuvent abuser de leur position dominante, s’entendre entre eux ou réaliser des opérations de concentration. Ces pratiques peuvent aussi être le fait des pouvoirs publics, qui peuvent accorder des aides ou des subventions aux commerçants. Par exemple, le commerçant qui bénéficie d’une protection de sa clientèle ne peut pas fixer des prix excessifs ou imposer des conditions abusives à ses clients ou à ses fournisseurs, sous peine d’être sanctionné par les autorités de la concurrence.
Le droit de la consommation est un ensemble de règles, qui visent à protéger les intérêts des consommateurs, qui sont souvent en situation de faiblesse face aux commerçants. Ces règles portent sur l’information, la sécurité, la qualité, le prix, le contrat, le crédit, le litige, etc. Par exemple, le commerçant qui bénéficie d’une protection de sa clientèle doit respecter les obligations d’information et de conseil à l’égard de ses clients, sous peine d’être sanctionné par les autorités de la consommation ou par les tribunaux.
La protection de la clientèle peut être illustrée par des cas pratiques ou des jurisprudences, qui montrent comment les commerçants font valoir leurs droits ou comment les juges tranchent les litiges. Par exemple, on peut citer l’arrêt de la Cour de cassation du 12 février 2020, qui a jugé qu’un commerçant qui avait cédé son fonds de commerce sans mentionner l’existence d’une clause de non-concurrence dans le contrat de bail avait commis une faute, qui privait le cessionnaire de la jouissance paisible de la clientèle. On peut également citer l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 23 avril 2020, qui a jugé qu’un commerçant qui utilisait la marque “Amazon” pour vendre des produits similaires à ceux vendus par le titulaire de la marque portait atteinte à la fonction d’origine de la marque, qui consiste à garantir aux consommateurs l’identité de l’origine des produits.
La cession de clientèle
La clientèle est un élément essentiel du fonds de commerce, qui peut faire l’objet d’une cession. Mais comment se déroule la cession de clientèle dans le cadre du fonds de commerce ? Et quels sont les effets de la cession de clientèle sur les parties au contrat ?
La cession du fonds de commerce
La cession du fonds de commerce est le mode de transmission le plus courant de la clientèle. Il s’agit d’un contrat de vente portant sur l’ensemble des éléments du fonds, y compris la clientèle. La cession du fonds de commerce est soumise à des conditions de validité et à des formalités spécifiques.
Le principe de la cession du fonds de commerce est que le vendeur transfère au cessionnaire la propriété du fonds, moyennant un prix. Le fonds de commerce comprend tous les éléments corporels (matériel, marchandises, etc.) et incorporels (clientèle, nom commercial, enseigne, marque, etc.) qui sont utilisés par le commerçant pour exercer son activité. La clientèle est donc l’élément essentiel du fonds, qui détermine sa valeur et son attractivité.
Les conditions de validité de la cession du fonds de commerce sont les mêmes que celles de tout contrat de vente : le consentement, la capacité, l’objet et la cause. Le consentement doit être libre et éclairé, sans erreur, dol ou violence. La capacité requiert que les parties soient majeures et capables de contracter. L’objet doit être licite, possible et déterminé ou déterminable. La cause doit être réelle et licite, c’est-à-dire le motif qui a déterminé les parties à contracter.
Les formalités de la cession du fonds de commerce sont destinées à informer les tiers de la cession et à protéger les créanciers du vendeur. Elles comprennent la publicité, l’opposition des créanciers et l’enregistrement. La publicité consiste à publier un avis de cession dans un journal d’annonces légales et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). L’opposition des créanciers permet à ceux-ci de faire valoir leurs droits sur le prix de cession, en adressant une déclaration au domicile élu du vendeur dans les dix jours de la dernière publicité. L’enregistrement consiste à déposer un exemplaire du contrat de cession au service des impôts dans le mois de sa signature, moyennant le paiement d’un droit d’enregistrement.
La cession de la clientèle
La cession de la clientèle peut également se faire de manière isolée, sans les autres éléments du fonds de commerce. Il s’agit alors d’un contrat de vente portant uniquement sur la clientèle. La cession de la clientèle présente des difficultés et des effets particuliers.
La difficulté de céder la clientèle de manière isolée réside dans le fait qu’elle est souvent indissociable des autres éléments du fonds de commerce, qui contribuent à son existence et à son attractivité. Il faut donc que la clientèle soit suffisamment individualisée et autonome pour pouvoir faire l’objet d’une cession séparée. Par exemple, il est difficile de céder la clientèle d’un restaurant sans céder le local, le matériel, le nom commercial, etc.
Les effets de la cession de la clientèle sur le transfert de propriété, la garantie d’éviction et la garantie du passif sont les mêmes que ceux de la cession du fonds de commerce, mais avec des spécificités. Le transfert de propriété suppose que le vendeur délivre au cessionnaire la clientèle, c’est-à-dire qu’il cesse son activité et qu’il s’abstienne de toute concurrence. La garantie d’éviction implique que le vendeur garantisse au cessionnaire la jouissance paisible de la clientèle, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de droits antérieurs ou de clauses restrictives qui pourraient empêcher le cessionnaire d’exploiter la clientèle. La garantie du passif suppose que le vendeur garantisse au cessionnaire l’absence de dettes ou de litiges relatifs à la clientèle, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de réclamations ou de procédures qui pourraient mettre en cause la responsabilité du cessionnaire.
La cession de la clientèle peut être comparée à d’autres modes de transmission du fonds de commerce, qui présentent des avantages et des inconvénients. La location-gérance est un contrat par lequel le propriétaire du fonds de commerce le loue à un gérant, qui l’exploite à ses risques et périls, moyennant une redevance. L’apport en société est un contrat par lequel le propriétaire du fonds de commerce le transfère à une société, en échange de parts sociales ou d’actions. La donation est un contrat par lequel le propriétaire du fonds de commerce le donne à une personne, sans contrepartie. Ces modes de transmission permettent de conserver un lien entre le cédant et le cessionnaire, mais ils impliquent aussi des obligations fiscales, sociales et comptables.