Lorsqu’un locataire d’un bail commercial se trouve en situation de difficulté financière, il peut faire l’objet d’une procédure collective visant à sauvegarder, redresser ou liquider son entreprise. Cette situation a des conséquences importantes sur le sort du bail commercial, qui constitue un élément essentiel de l’activité du locataire. Quels sont les droits et les obligations du bailleur et du locataire en cas d’ouverture d’une procédure collective ? Quelles sont les modalités de poursuite, de résiliation ou de cession du bail commercial ? Quels sont les risques et les opportunités pour les parties au contrat de bail ? Cet article propose de répondre à ces questions en présentant les règles applicables au bail commercial à l’épreuve des procédures collectives.
Le bail commercial en cas d’ouverture d’une procédure collective
L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du locataire d’un bail commercial a des conséquences importantes sur le sort de ce contrat. En effet, le bail commercial peut être un élément essentiel pour la sauvegarde de l’entreprise du locataire, mais aussi pour la protection des intérêts du bailleur. Il convient donc d’examiner les règles applicables au bail commercial en cas d’ouverture d’une procédure collective, qui sont issues de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005. Ces règles reposent sur un principe de continuation du bail commercial, qui connaît toutefois des exceptions.
Le principe : la continuation du bail commercial
Le principe général en matière de procédure collective est celui de la continuation des contrats en cours, c’est-à-dire des contrats qui n’ont pas été intégralement exécutés par les parties au jour du jugement d’ouverture. Ce principe vise à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise du débiteur et à éviter la multiplication des créanciers. Il s’applique au bail commercial, qui bénéficie même d’un régime spécifique plus favorable au locataire.
La notion de contrat en cours
Le bail commercial est considéré comme un contrat en cours tant qu’il n’a pas été résilié avant le jugement d’ouverture de la procédure collective. La résiliation du bail commercial peut résulter de l’expiration du terme, de la volonté des parties, de l’application d’une clause résolutoire ou d’une décision de justice. Il faut toutefois que la résiliation soit définitive, c’est-à-dire qu’elle ait acquis l’autorité de la chose jugée. Ainsi, si une procédure de résiliation est en cours au jour du jugement d’ouverture, elle est interrompue et le bail commercial est maintenu.
Les conditions de la continuation du bail commercial
Le bail commercial en cours se poursuit automatiquement en cas d’ouverture d’une procédure collective, qu’il s’agisse d’une sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Cette continuation du bail commercial est une règle d’ordre public, qui s’impose aux parties et qui rend inopérante toute clause contraire. Le bail commercial se poursuit aux mêmes conditions qu’avant la procédure collective, notamment en ce qui concerne le montant du loyer, la durée du bail et les obligations des parties. Le bailleur ne peut pas invoquer les impayés de loyers antérieurs au jugement d’ouverture pour résilier le bail commercial. Il doit déclarer sa créance au passif de la procédure collective et attendre son règlement selon le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession.
Les avantages et les inconvénients de la continuation du bail commercial
La continuation du bail commercial présente des avantages et des inconvénients, selon le point de vue du locataire ou du bailleur. Pour le locataire, la continuation du bail commercial lui permet de conserver les locaux affectés à son activité et de bénéficier de la protection du statut des baux commerciaux. Il peut ainsi poursuivre son exploitation et tenter de redresser sa situation financière. Pour le bailleur, la continuation du bail commercial lui assure le maintien de son contrat et le paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture. Il évite ainsi le risque de se retrouver avec un local vacant et de subir une perte de revenus. Toutefois, la continuation du bail commercial peut aussi comporter des inconvénients, selon les circonstances. Pour le locataire, la continuation du bail commercial l’oblige à respecter ses obligations contractuelles, notamment le paiement du loyer, sous peine de résiliation. Il peut aussi se trouver lié par un bail commercial qui ne correspond plus à ses besoins ou à ses capacités financières. Pour le bailleur, la continuation du bail commercial l’empêche de résilier le bail commercial pour les motifs antérieurs au jugement d’ouverture. Il peut aussi se voir privé de la possibilité de renégocier les conditions du bail commercial ou de conclure un nouveau bail avec un autre locataire plus solvable.
Les exceptions : la résiliation ou la cession du bail commercial
Le principe de la continuation du bail commercial connaît des exceptions, qui permettent la résiliation ou la cession du bail commercial en cours de procédure collective. Ces exceptions visent à prendre en compte l’intérêt du locataire, du bailleur ou des créanciers, selon les cas. Elles sont soumises à des conditions et à des modalités particulières.
Les causes de résiliation du bail commercial
Le bail commercial en cours peut être résilié en cas d’ouverture d’une procédure collective pour deux motifs principaux : le non-paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture ou la décision de l’administrateur judiciaire ou du liquidateur de ne pas poursuivre le bail commercial. Le non-paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture constitue un manquement grave du locataire à ses obligations contractuelles, qui justifie la résiliation du bail commercial. Le bailleur peut alors agir en justice pour faire constater la résiliation du bail commercial et demander l’expulsion du locataire. La décision de l’administrateur judiciaire ou du liquidateur de ne pas poursuivre le bail commercial est une faculté qui leur est reconnue par la loi. Ils doivent prendre cette décision dans un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective, sauf prorogation accordée par le juge-commissaire. Ils doivent notifier leur décision au bailleur, qui peut alors demander la résiliation du bail commercial et l’expulsion du locataire.
Les modalités de cession du bail commercial
Le bail commercial en cours peut être cédé en cas d’ouverture d’une procédure collective, soit dans le cadre d’un plan de cession, soit dans le cadre d’une liquidation judiciaire. La cession du bail commercial dans le cadre d’un plan de cession vise à permettre la reprise de l’activité du locataire par un tiers, qui se substitue au locataire dans le bail commercial. Le plan de cession est élaboré par l’administrateur judiciaire et soumis à l’homologation du tribunal. Le bailleur ne peut pas s’opposer à la cession du bail commercial, sauf si le cessionnaire ne présente pas les garanties suffisantes pour l’exécution du bail commercial. La cession du bail commercial dans le cadre d’une liquidation judiciaire vise à réaliser l’actif du locataire et à désintéresser les créanciers. La cession du bail commercial est effectuée par le liquidateur, qui doit respecter les règles du droit commun des baux commerciaux. Le bailleur peut alors exercer son droit de préemption ou son droit de reprise, s’il remplit les conditions requises.
Les effets de la résiliation ou de la cession du bail commercial
La résiliation ou la cession du bail commercial en cours de procédure collective entraîne des effets juridiques et financiers, tant pour le locataire que pour le bailleur. La résiliation du bail commercial met fin au contrat et libère les parties de leurs obligations réciproques. Le locataire doit restituer les locaux au bailleur et payer les loyers dus jusqu’à la date de la résiliation. Le bailleur peut alors reprendre la disposition des locaux et les relouer à un autre locataire. La cession du bail commercial transfère le contrat au cessionnaire, qui devient le nouveau locataire. Le cessionnaire doit respecter les conditions du bail commercial et payer les loyers à compter de la date de la cession. Le cédant est libéré de ses obligations envers le bailleur, sauf si le bail commercial prévoit une clause de solidarité. Le bailleur conserve ses droits sur le cédant pour les loyers antérieurs à la date de la cession.
Le bail commercial en cours d’exécution d’une procédure collective
Lorsque le bail commercial se poursuit malgré l’ouverture d’une procédure collective, il convient de distinguer le sort des loyers et des charges selon qu’ils sont antérieurs ou postérieurs au jugement d’ouverture, ainsi que le respect des obligations contractuelles et légales par les parties au bail.
Le paiement des loyers et des charges
Le paiement des loyers et des charges est une obligation essentielle du locataire, qui conditionne la continuation du bail commercial. Toutefois, le régime applicable varie selon la date d’exigibilité des loyers et des charges, et selon le type de procédure collective.
Le sort des loyers et des charges antérieurs au jugement d’ouverture
Les loyers et les charges qui sont dus avant le jugement d’ouverture de la procédure collective sont considérés comme des créances antérieures, c’est-à-dire des créances nées avant le jugement d’ouverture ou résultant de faits antérieurs à ce jugement 1. Ces créances sont soumises à la règle de l’interdiction des paiements, qui interdit au débiteur de payer les créances antérieures, sauf exceptions 2. Ainsi, le bailleur ne peut pas exiger le paiement des loyers et des charges antérieurs au jugement d’ouverture, ni invoquer la clause résolutoire du bail pour défaut de paiement 3. Il doit déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc 4. Le bailleur bénéficie d’un privilège spécial sur le fonds de commerce du locataire, qui lui permet d’être payé par préférence aux autres créanciers 5.
Le sort des loyers et des charges postérieurs au jugement d’ouverture
Les loyers et les charges qui sont dus après le jugement d’ouverture de la procédure collective sont considérés comme des créances postérieures, c’est-à-dire des créances nées après le jugement d’ouverture ou résultant de faits postérieurs à ce jugement . Ces créances sont soumises à la règle du paiement immédiat, qui impose au débiteur de payer les créances postérieures, sauf exceptions . Ainsi, le locataire doit payer les loyers et les charges postérieurs au jugement d’ouverture, sous peine de voir le bail résilié de plein droit à la demande du bailleur . Le bailleur n’a pas à déclarer sa créance, mais il doit la faire constater par le juge-commissaire en cas de contestation . Le bailleur bénéficie d’un privilège général sur les meubles du locataire, qui lui permet d’être payé par préférence aux autres créanciers .
Le sort des loyers et des charges en cas de plan de sauvegarde ou de redressement
Lorsque le locataire bénéficie d’un plan de sauvegarde ou de redressement, les loyers et les charges antérieurs au jugement d’ouverture sont inclus dans le passif du plan, c’est-à-dire qu’ils font l’objet d’un étalement ou d’une remise, selon les modalités fixées par le tribunal . Les loyers et les charges postérieurs au jugement d’ouverture sont exclus du passif du plan, c’est-à-dire qu’ils doivent être payés à leur échéance normale, sous peine de voir le plan résolu et le bail résilié .
Le respect des obligations contractuelles et légales
Le respect des obligations contractuelles et légales est une condition de la continuation du bail commercial. Toutefois, le régime applicable varie selon la nature des obligations, et selon la qualité des parties au bail.
Les obligations du locataire-gérant
Le locataire-gérant est le débiteur qui continue à gérer son entreprise sous le contrôle de l’administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire, selon le cas . Le locataire-gérant doit respecter les obligations contractuelles et légales qui découlent du bail commercial, notamment l’obligation d’exploiter le fonds de commerce, l’obligation de ne pas modifier la destination des lieux, l’obligation de ne pas sous-louer ou céder le bail sans l’accord du bailleur, etc. . En cas de manquement à ces obligations, le bailleur peut demander la résiliation du bail au juge-commissaire, qui statue après avoir recueilli l’avis de l’administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire .
Les obligations du bailleur
Le bailleur est le créancier qui a consenti au locataire le droit d’occuper les locaux commerciaux moyennant le paiement d’un loyer. Le bailleur doit respecter les obligations contractuelles et légales qui découlent du bail commercial, notamment l’obligation de délivrer les locaux en bon état, l’obligation d’assurer la jouissance paisible des lieux, l’obligation d’effectuer les réparations nécessaires, etc. . En cas de manquement à ces obligations, le locataire peut demander la résolution du bail au juge-commissaire, qui statue après avoir recueilli l’avis de l’administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire .
Les sanctions en cas de manquement aux obligations
En cas de manquement aux obligations contractuelles ou légales par l’une ou l’autre des parties au bail, le juge-commissaire peut prononcer la résiliation ou la résolution du bail, selon le cas. La résiliation du bail entraîne la cessation du contrat et la libération des locaux, sans préjudice des dommages-intérêts éventuels. La résolution du bail entraîne la rétroactivité du contrat et la restitution des prestations, sans préjudice des dommages-intérêts éventuels. Dans les deux cas, le juge-commissaire peut accorder un délai de grâce au locataire pour quitter les lieux, qui ne peut excéder trois mois .
Le bail commercial en cas de clôture d’une procédure collective
La clôture d’une procédure collective met fin aux effets de celle-ci sur le bail commercial. Toutefois, le sort du bail commercial dépend du motif de la clôture, qui peut être l’extinction du passif ou l’insuffisance d’actif. Il convient donc d’examiner les conséquences de la clôture sur le bail commercial, ainsi que les suites possibles pour les parties au bail.
La clôture pour extinction du passif
La clôture pour extinction du passif intervient lorsque le débiteur a payé la totalité de ses dettes ou lorsque les créanciers ont été désintéressés par voie de compensation ou de remise de dette 1. Cette clôture signifie que le débiteur est sorti de la procédure collective et qu’il recouvre sa pleine capacité juridique.
La notion de clôture pour extinction du passif
La clôture pour extinction du passif est prononcée par le tribunal, à la demande du débiteur, de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire ou du ministère public, ou d’office 2. Le tribunal vérifie que le débiteur a satisfait à l’ensemble de ses obligations, notamment le paiement des loyers et des charges du bail commercial. Le tribunal rend un jugement de clôture, qui est publié au Bodacc et au registre du commerce et des sociétés 3.
Les conséquences de la clôture pour extinction du passif sur le bail commercial
La clôture pour extinction du passif entraîne la fin des effets de la procédure collective sur le bail commercial. Le bail commercial reprend son cours normal, sans modification des conditions initiales. Le locataire retrouve son droit au renouvellement du bail et son droit de préemption en cas de vente du local. Le bailleur retrouve son droit de résilier le bail pour les motifs antérieurs ou postérieurs à la procédure collective, sous réserve du respect des règles du droit commun des baux commerciaux.
Les suites possibles après la clôture pour extinction du passif
La clôture pour extinction du passif permet aux parties de poursuivre leurs relations contractuelles, sans interférence de la procédure collective. Les parties peuvent alors décider de maintenir le bail commercial, de le modifier ou de le résilier, selon leur intérêt respectif. Elles peuvent aussi envisager la cession du bail commercial ou du fonds de commerce, dans le respect des formalités légales.
La clôture pour insuffisance d’actif
La clôture pour insuffisance d’actif intervient lorsque le débiteur n’a pas de patrimoine suffisant pour désintéresser ses créanciers, ou lorsque le produit de la cession de ses biens est insuffisant pour couvrir les frais de la procédure collective 4. Cette clôture signifie que le débiteur est libéré de ses dettes, mais qu’il perd son entreprise et son bail commercial.
La notion de clôture pour insuffisance d’actif
La clôture pour insuffisance d’actif est prononcée par le tribunal, à la demande du liquidateur, du ministère public ou d’office . Le tribunal constate que le débiteur n’a pas de patrimoine mobilisable ou que le produit de la liquidation est insuffisant pour payer les créanciers. Le tribunal rend un jugement de clôture, qui est publié au Bodacc et au registre du commerce et des sociétés .
Les conséquences de la clôture pour insuffisance d’actif sur le bail commercial
La clôture pour insuffisance d’actif entraîne la résiliation de plein droit du bail commercial, sans indemnité pour le locataire . Le locataire doit restituer les locaux au bailleur, qui peut demander son expulsion. Le bailleur ne peut pas réclamer le paiement des loyers et des charges impayés, qui sont des créances chirographaires. Il ne peut pas non plus se prévaloir de la clause résolutoire du bail, qui est sans effet .
Les suites possibles après la clôture pour insuffisance d’actif
La clôture pour insuffisance d’actif met fin aux relations contractuelles entre les parties, sans possibilité de les reprendre. Le locataire perd son droit au bail et son fonds de commerce, et ne peut plus exercer son activité. Le bailleur reprend la disposition des locaux et peut les relouer à un autre locataire, sans être lié par les conditions du bail antérieur.