Droit au logement opposable (DALO)

Le droit au logement est un droit fondamental reconnu par la Constitution française et par les instruments internationaux des droits de l’homme. Il vise à garantir à toute personne, quels que soient sa situation sociale, son origine ou son handicap, l’accès à un logement décent et adapté à ses besoins. Or, en France, ce droit reste largement théorique, face à la crise du logement qui touche des millions de personnes, notamment les plus vulnérables. Selon le rapport 2023 de la Fondation Abbé Pierre, plus de 4 millions de personnes sont mal logées ou sans domicile, et 12 millions sont fragilisées par rapport au logement.

Droit au logement opposable (DALO)

Pour faire face à cette situation, le législateur a créé en 2007 le droit au logement opposable (DALO), qui permet aux personnes qui ne parviennent pas à accéder ou à se maintenir dans un logement digne et indépendant de saisir une commission de médiation, qui doit leur proposer une solution de relogement ou d’hébergement adaptée. Si la commission reconnaît le demandeur comme prioritaire et urgent, l’État a l’obligation de lui faire une offre dans un délai déterminé. À défaut, le demandeur peut saisir le juge administratif, qui peut condamner l’État à lui verser des astreintes et à lui proposer un logement.

Le DALO constitue donc un progrès important dans la reconnaissance et la mise en œuvre du droit au logement. Toutefois, il rencontre de nombreuses difficultés dans son application, qui limitent son effectivité et son efficacité. Dans cet article, nous allons analyser le dispositif du DALO, ses forces et ses faiblesses, ainsi que les mesures prises ou envisagées pour le renforcer. Nous verrons ainsi que le DALO est un droit reconnu mais difficile à mettre en œuvre (I), et que des avancées récentes mais insuffisantes ont été réalisées pour le rendre plus réel (II).

Le dispositif du DALO : un droit reconnu mais difficile à mettre en œuvre

Le droit au logement opposable (DALO) est un droit qui permet aux personnes qui ne peuvent pas accéder ou se maintenir dans un logement décent et indépendant de faire valoir leur situation auprès de l’État.

Conditions pour bénéficier du DALO

Pour bénéficier du DALO, il faut remplir les conditions suivantes :

  • Être français ou avoir un droit ou un titre de séjour en cours de validité
  • Remplir les conditions d’accès au logement social
  • Être de bonne foi
  • Avoir accompli des démarches préalables à son recours

Procédure pour bénéficier du DALO

Le recours DALO se fait en deux étapes :

  • Le recours amiable devant une commission de médiation départementale,

Si la commission de médiation DALO rend une décision favorable, elle reconnaît le demandeur comme prioritaire et urgent pour être relogé ou hébergé. Elle transmet alors son dossier au préfet, qui doit lui faire une proposition de logement ou d’hébergement adapté à sa situation dans un délai fixé par la loi. Ce délai varie selon les départements, mais il ne peut pas dépasser 6 mois pour le DALO logement et 6 semaines pour le DALO hébergement.

Si la commission de médiation DALO rend une décision défavorable, elle estime que le demandeur ne remplit pas les conditions pour être reconnu comme prioritaire et urgent. Elle motive sa décision et l’informe des voies et délais de recours possibles. Le demandeur peut alors contester la décision devant le tribunal administratif dans un délai de 2 mois à partir de sa notification.

  • Le recours contentieux devant le tribunal administratif, si la commission de médiation rejette la demande ou si le préfet ne fait pas de proposition de logement ou d’hébergement dans le délai fixé par la loi.

Si le préfet ne fait pas de proposition de logement ou d’hébergement dans le délai fixé par la loi, le demandeur peut saisir le tribunal administratif pour demander à l’État de respecter son obligation. Il dispose d’un délai de 4 mois à partir de la fin du délai imparti au préfet pour faire ce recours. Le juge peut alors ordonner à l’État de reloger ou d’héberger le demandeur dans un délai qu’il fixe, et de lui verser des astreintes tant que l’obligation n’est pas remplie. Le montant des astreintes varie selon les départements, mais il ne peut pas être inférieur à 75 € par jour de retard pour le DALO logement et à 50 € par jour de retard pour le DALO hébergement.

Si le demandeur subit un préjudice du fait du non-respect de son droit au logement ou à l’hébergement opposable, il peut demander à l’État de l’indemniser. Il doit pour cela saisir le tribunal administratif avec l’aide d’un avocat, sans délai particulier. Il doit prouver l’existence et l’étendue de son préjudice, qui peut être matériel (frais engagés, perte de revenus, etc.) ou moral (souffrance, angoisse, etc.). Le juge apprécie le montant de l’indemnisation au cas par cas, en fonction des circonstances.

Le recours DAHO est similaire au recours DALO, mais il concerne les personnes qui n’ont pas de titre de séjour ou qui demandent un hébergement particulier, comme un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ou un centre provisoire d’hébergement (CPH). Le recours DAHO se fait en remplissant le formulaire Cerfa DAHO et en le déposant auprès de la commission de médiation DAHO du département de demande. La commission a 6 semaines pour statuer sur le caractère prioritaire ou non de la demande. Si la décision est favorable, le préfet a 6 semaines pour proposer une place en structure d’hébergement ou 3 mois pour un logement-foyer, un logement de transition ou une résidence hôtelière à vocation sociale. Si le préfet ne respecte pas ces délais, le demandeur peut saisir le tribunal administratif dans les mêmes conditions que pour le recours DALO.

Les difficultés de mise en œuvre

Le dispositif du DALO constitue donc un progrès important dans la reconnaissance et la mise en œuvre du droit au logement. Toutefois, il rencontre de nombreuses difficultés dans son application, qui limitent son effectivité et son efficacité. Parmi ces difficultés, on peut citer:

  • Le manque de logements sociaux disponibles, notamment dans les zones tendues où la demande est forte et l’offre insuffisante
  • Le faible respect des quotas de logements réservés aux bénéficiaires du DALO par les bailleurs sociaux et les communes
  • Le non-paiement des astreintes prononcées par les tribunaux administratifs contre l’État en cas de non-relogement des bénéficiaires du DALO
  • La complexité et la lenteur des procédures administratives et judiciaires, qui découragent les demandeurs et les accompagnateurs sociaux
  • Le manque de suivi et d’évaluation du dispositif, qui empêche d’avoir une vision globale et précise de son impact

Les chiffres et les exemples illustrent bien la situation préoccupante du DALO en France. Selon le rapport 2023 du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées4, plus de 404 000 décisions favorables ont été rendues par les commissions de médiation depuis 2008, mais seulement 258 788 demandeurs ont été relogés, soit un taux de relogement de 64%. Environ 93 116 demandeurs restent à reloger, essentiellement en Île-de-France. Le rapport cite également le cas de Mme B., reconnue prioritaire DALO en 2010 et toujours en attente d’un logement adapté à son handicap en 2023, malgré plusieurs recours contentieux et des astreintes non versées par l’État.

On voit donc que le DALO est un droit reconnu mais difficile à mettre en œuvre, qui nécessite des mesures fortes et concertées pour le rendre plus réel.

Les mesures pour renforcer l’effectivité du DALO : des avancées récentes mais insuffisantes

Face aux difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du droit au logement opposable (DALO), plusieurs réformes législatives et réglementaires ont été adoptées ces dernières années pour tenter d’améliorer le dispositif et de répondre aux besoins des demandeurs. Toutefois, ces mesures restent insuffisantes pour garantir un accès effectif et rapide à un logement décent et adapté à tous les bénéficiaires du DALO.

Parmi les principales réformes visant à améliorer le DALO, on peut citer :

  • La loi ALUR du 24 mars 2014, qui a renforcé les sanctions contre les communes carencées en logements sociaux, en augmentant les pénalités financières et en élargissant les compétences du préfet pour attribuer des logements sociaux ou réquisitionner des logements vacants.
  • La loi Égalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017, qui a modifié les critères d’attribution des logements sociaux, en donnant la priorité aux demandeurs les plus modestes et les plus urgents, notamment les bénéficiaires du DALO, et en instaurant un système de cotation de la demande pour plus de transparence.
  • Le décret du 10 mai 2017, qui a simplifié les procédures du DALO, en réduisant les délais de recours amiable et contentieux, en facilitant la transmission des dossiers entre les commissions de médiation et les préfectures, et en permettant aux demandeurs de consulter l’état d’avancement de leur demande en ligne.

Ces mesures ont eu des impacts positifs sur le DALO, en augmentant le nombre de logements sociaux disponibles, en accélérant le traitement des demandes et en renforçant l’information et les droits des demandeurs. Selon le rapport 2020 du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, le taux de relogement des bénéficiaires du DALO est passé de 54% en 2013 à 64% en 2019, et le délai moyen de relogement est passé de 18 mois en 2013 à 13 mois en 2019.

Néanmoins, ces mesures présentent aussi des limites, qui empêchent le DALO de devenir un droit réel pour tous les demandeurs. Parmi ces limites, on peut mentionner :

  • Le manque persistant de logements sociaux, notamment dans les zones tendues, où la demande dépasse largement l’offre, et où les communes carencées ne respectent pas toujours leurs obligations malgré les sanctions.
  • Le manque de diversité et de qualité de l’offre de logements sociaux, qui ne correspond pas toujours aux besoins et aux attentes des demandeurs, notamment en termes de taille, de localisation, d’accessibilité ou de performance énergétique.
  • Le manque de coordination et de coopération entre les acteurs du DALO, qui entrave la fluidité et l’efficacité du dispositif, notamment entre les commissions de médiation, les préfectures, les bailleurs sociaux, les collectivités territoriales et les associations.

Pour rendre le DALO plus réel, il faudrait donc envisager des pistes d’amélioration, telles que :

  • Augmenter la production et la rénovation de logements sociaux, en mobilisant davantage de foncier, de financements et de moyens de réquisition, et en veillant à la qualité et à la mixité de l’offre.
  • Améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande de logements sociaux, en développant des outils de connaissance partagée des besoins et des disponibilités, et en favorisant la mobilité résidentielle des locataires sociaux.
  • Renforcer la gouvernance et la concertation du DALO, en clarifiant les rôles et les responsabilités de chaque acteur, en harmonisant les pratiques et les procédures, et en associant davantage les demandeurs et les associations