Expropriation

L’expropriation est une procédure exceptionnelle qui permet à une personne publique, telle que l’Etat, une collectivité territoriale ou un établissement public, de contraindre un particulier ou une personne morale, comme une entreprise ou une association, à céder son bien immobilier, moyennant le paiement d’une indemnité, pour réaliser un projet présentant un intérêt général . Par exemple, l’expropriation peut être utilisée pour construire une route, une école, un hôpital, un parc, etc.

Expropriation

L’expropriation constitue une atteinte au droit de propriété, qui est un droit fondamental protégé par la Constitution française et la Convention européenne des droits de l’homme. Le droit de propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Ainsi, l’expropriation doit respecter des conditions strictes et une procédure rigoureuse, qui sont définies par le code de l’expropriation.

Les acteurs de l’expropriation

L’expropriation implique deux catégories d’acteurs : les personnes publiques qui exercent le pouvoir d’exproprier, et les personnes privées qui subissent l’expropriation de leur bien immobilier. Ces acteurs sont soumis à des règles et des garanties spécifiques, qui visent à concilier l’intérêt général et le respect du droit de propriété.

Qui peut exproprier ?

Les personnes publiques qui peuvent exproprier sont celles qui sont habilitées par la loi à le faire, pour un motif d’utilité publique, et sous le contrôle du juge.

Les personnes publiques habilitées à exproprier

Les personnes publiques qui peuvent exproprier sont celles qui ont la qualité d’expropriant, c’est-à-dire qui sont chargées d’une mission de service public ou d’intérêt général. Il s’agit principalement de l’Etat, des collectivités territoriales (régions, départements, communes, etc.), des établissements publics (hôpitaux, universités, etc.), des groupements d’intérêt public (syndicats mixtes, etc.), et de certaines personnes de droit privé (sociétés d’économie mixte, associations, etc.) .

Ces personnes publiques doivent être autorisées à exproprier par une loi, un décret ou une convention, qui détermine l’objet, le périmètre et la durée de l’expropriation. Elles doivent également respecter les principes généraux du droit administratif, tels que la compétence, la motivation, le contradictoire, etc.

Les motifs d’utilité publique justifiant l’expropriation

Les personnes publiques qui peuvent exproprier doivent justifier leur action par un motif d’utilité publique, c’est-à-dire par la poursuite d’un intérêt général supérieur à l’intérêt privé des personnes expropriées. Il s’agit généralement de la réalisation d’ouvrages ou de travaux publics, tels que des infrastructures de transport, d’énergie, de communication, etc., de la protection de l’environnement, de la sauvegarde du patrimoine, du développement économique ou social, de l’aménagement du territoire, etc.

Ces motifs d’utilité publique doivent être appréciés au cas par cas, en tenant compte des circonstances locales, des besoins de la population, des objectifs poursuivis, etc. Ils doivent également être proportionnés au regard de l’atteinte portée au droit de propriété.

Les conditions d’utilité publique appréciées par le juge

Les personnes publiques qui peuvent exproprier doivent respecter les conditions d’utilité publique, qui sont contrôlées par le juge administratif. Ces conditions sont au nombre de trois :

  • Le projet doit être réellement justifié, c’est-à-dire qu’il doit répondre à un besoin public avéré, et non à une simple opportunité ou à une convenance personnelle de l’expropriant.
  • Le projet doit être nécessaire, c’est-à-dire qu’il ne doit pas exister d’autre solution moins dommageable pour atteindre le même objectif. L’expropriation doit être le dernier recours, après avoir tenté de négocier à l’amiable avec les propriétaires concernés.
  • Le projet doit être proportionné, c’est-à-dire que le bénéfice attendu pour l’intérêt général doit être supérieur au préjudice subi par les personnes expropriées. L’expropriation ne doit pas porter une atteinte excessive au droit de propriété, qui est un droit fondamental.

Qui peut être exproprié ?

Les personnes privées qui peuvent être expropriées sont celles qui sont propriétaires ou titulaires de droits réels immobiliers, sur des biens immobiliers situés dans le périmètre de l’expropriation. Ces personnes privées bénéficient de garanties légales et juridictionnelles, qui visent à protéger leur droit de propriété.

Les personnes privées susceptibles d’être expropriées

Les personnes privées qui peuvent être expropriées sont celles qui ont un droit de propriété ou un droit réel immobilier sur le bien exproprié. Il s’agit principalement des propriétaires, qu’ils soient en indivision, en copropriété, en usufruit, en nue-propriété, etc., des titulaires de droits réels immobiliers, tels que les hypothèques, les servitudes, les baux, etc., des locataires, des occupants sans titre, etc.

Ces personnes privées doivent être informées de la procédure d’expropriation, et avoir la possibilité de faire valoir leurs droits et leurs intérêts. Elles doivent également être indemnisées de manière juste et préalable, en fonction de la nature et de la valeur de leur droit.

Les biens immobiliers pouvant faire l’objet d’une expropriation

Les biens immobiliers qui peuvent faire l’objet d’une expropriation sont ceux qui sont nécessaires à la réalisation du projet d’utilité publique. Il s’agit généralement des immeubles bâtis ou non bâtis, des parties communes ou privatives, des droits indivis ou démembrés, etc.

Ces biens immobiliers doivent être identifiés et évalués par l’expropriant, qui doit proposer une indemnité aux personnes expropriées. Ils doivent également faire l’objet d’un état des lieux contradictoire, qui permet de constater leur état au moment de l’expropriation.

Les garanties accordées aux personnes expropriées

Les personnes expropriées bénéficient de garanties légales et juridictionnelles, qui visent à protéger leur droit de propriété. Ces garanties sont les suivantes :

  • Le respect du contradictoire : les personnes expropriées doivent être informées de la procédure d’expropriation, et avoir la possibilité de faire part de leurs observations, de leurs demandes, de leurs contestations, etc.
  • Le droit à une information complète : les personnes expropriées doivent avoir accès à tous les documents relatifs à l’expropriation, tels que le dossier d’enquête publique, la déclaration d’utilité publique, l’arrêté de cessibilité, l’offre d’indemnité, etc.
  • Le droit à une juste et préalable indemnité : les personnes expropriées doivent recevoir une indemnité qui répare intégralement le préjudice causé par l’expropriation, et qui leur est versée avant le transfert de propriété du bien exproprié.
  • Le droit à un recours juridictionnel : les personnes expropriées peuvent saisir le juge administratif pour contester la légalité de la procédure d’expropriation, et le juge de l’expropriation pour contester le montant de l’indemnité.

Les étapes de l’expropriation

L’expropriation se déroule en deux phases : une phase administrative, qui vise à constater l’utilité publique du projet et à déterminer les biens à exproprier, et une phase judiciaire, qui vise à fixer et à verser l’indemnité aux personnes expropriées.

La phase administrative

La phase administrative est la première étape de l’expropriation. Elle comprend trois opérations successives : l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, la déclaration d’utilité publique et l’arrêté de cessibilité.

L’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique

L’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique est une procédure qui vise à informer le public du projet d’expropriation, à recueillir les observations des personnes intéressées, et à établir un rapport et des conclusions motivées. Elle est organisée par le préfet, qui désigne un commissaire enquêteur ou une commission d’enquête. Elle dure généralement un mois, pendant lequel le dossier d’enquête est consultable en mairie et sur internet, et le public peut formuler ses remarques par écrit ou oralement. A l’issue de l’enquête, le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête rédige un rapport et des conclusions, qui donnent un avis favorable, défavorable ou réservé sur l’utilité publique du projet.

La déclaration d’utilité publique

La déclaration d’utilité publique est un acte administratif qui constate l’utilité publique du projet d’expropriation et fixe le périmètre des biens à exproprier. Elle est prise par arrêté préfectoral ou ministériel, après avis du conseil municipal et de la commission d’enquête. Elle doit intervenir dans un délai de trois ans à compter de la clôture de l’enquête publique. Elle est notifiée aux propriétaires concernés et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture et au journal officiel. Elle est également affichée en mairie et sur les lieux du projet. Elle ouvre un délai de deux mois pour contester sa légalité devant le tribunal administratif.

L’arrêté de cessibilité

L’arrêté de cessibilité est un acte administratif qui détermine les parcelles à exproprier et les transfère à l’expropriant. Il est pris par le préfet, après avoir notifié aux propriétaires le montant de l’indemnité proposée par l’expropriant. Il doit intervenir dans un délai de six mois à compter de la déclaration d’utilité publique. Il est notifié aux propriétaires concernés et publié au recueil des actes administratifs de la préfecture et au journal officiel. Il ouvre un délai de deux mois pour contester sa légalité devant le tribunal administratif.

La phase judiciaire

La phase judiciaire est la deuxième étape de l’expropriation. Elle comprend trois opérations successives : la fixation de l’indemnité, l’ordonnance d’expropriation et l’exécution de l’ordonnance.

La fixation de l’indemnité

La fixation de l’indemnité est une opération qui vise à déterminer le montant de la réparation due aux personnes expropriées. Elle est effectuée par le juge de l’expropriation, qui est le président du tribunal judiciaire. Elle peut être demandée par l’expropriant ou par l’exproprié, dans un délai d’un an à compter de la date de l’arrêté de cessibilité. Le juge de l’expropriation tient compte de la valeur vénale du bien, c’est-à-dire du prix qu’il aurait sur le marché libre et normal, ainsi que du préjudice moral, du coût du relogement, des pertes de revenus, etc. Il peut s’appuyer sur les estimations des parties, les rapports d’experts, les références du marché, etc. Il rend une ordonnance qui fixe le montant de l’indemnité et qui peut être contestée devant la cour d’appel dans un délai de quinze jours.

L’ordonnance d’expropriation

L’ordonnance d’expropriation est un acte juridictionnel qui prononce le transfert de propriété du bien exproprié à l’expropriant. Elle est rendue par le juge de l’expropriation, après avoir vérifié la régularité de la procédure administrative et la conformité de l’indemnité. Elle doit intervenir dans un délai de six mois à compter de la date de l’arrêté de cessibilité. Elle est notifiée aux parties et publiée au bureau des hypothèques. Elle ouvre un délai de quinze jours pour former un pourvoi en cassation.

L’exécution de l’ordonnance

L’exécution de l’ordonnance est une opération qui vise à réaliser le transfert de propriété du bien exproprié et à verser l’indemnité aux personnes expropriées. Elle est effectuée par un huissier de justice, qui procède à la remise des clés et à l’expulsion éventuelle des occupants. Elle entraîne le paiement de l’indemnité à l’exproprié, qui peut être consignée à la Caisse des dépôts et consignations en cas de contestation ou d’absence du bénéficiaire. Elle doit intervenir dans un délai d’un an à compter de la date de l’ordonnance d’expropriation, sous peine de caducité de la procédure.

Les conséquences de l’expropriation

L’expropriation entraîne des conséquences importantes pour les personnes expropriées, qui doivent céder leur bien immobilier et recevoir une indemnité en contrepartie. Ces conséquences sont encadrées par des règles et des garanties, qui visent à assurer une juste réparation du préjudice subi et un accès au juge en cas de contestation.

L’indemnité d’expropriation

L’indemnité d’expropriation est la somme d’argent versée par l’expropriant aux personnes expropriées, en échange de la cession de leur bien immobilier. Elle vise à réparer intégralement le préjudice causé par l’expropriation. Elle doit être juste et préalable, c’est-à-dire proportionnée au dommage subi et versée avant le transfert de propriété.

Le principe de l’indemnité

Le principe de l’indemnité est posé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que “la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité” . Ce principe est repris par l’article L. 13-1 du code de l’expropriation, qui précise que “nul ne peut être exproprié que moyennant une indemnité préalablement fixée, qui couvre l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation” .

Le principe de l’indemnité implique que l’expropriant doit proposer une indemnité aux personnes expropriées, qui peuvent l’accepter ou la refuser. Si elles l’acceptent, elles renoncent à tout recours ultérieur. Si elles la refusent, elles peuvent saisir le juge de l’expropriation pour qu’il fixe le montant de l’indemnité.

Le mode de calcul de l’indemnité

Le mode de calcul de l’indemnité repose sur la valeur vénale du bien, c’est-à-dire le prix qu’il aurait sur le marché libre et normal, à la date de l’arrêté de cessibilité. Cette valeur vénale est appréciée par le juge de l’expropriation, qui peut s’appuyer sur les estimations des parties, les rapports d’experts, les références du marché, etc.

Le mode de calcul de l’indemnité peut être majoré ou minoré selon les circonstances particulières du bien ou de l’exproprié. Par exemple, l’indemnité peut être majorée si le bien a un caractère historique, artistique ou sentimental, ou si l’exproprié subit une perte de jouissance ou de revenus. A l’inverse, l’indemnité peut être minorée si le bien est vétuste, insalubre ou dangereux, ou si l’exproprié bénéficie d’un avantage ou d’une compensation.

Les éléments de l’indemnité

L’indemnité comprend une indemnité principale, qui correspond à la valeur du bien, et des indemnités accessoires, qui couvrent les frais et les préjudices annexes liés à l’expropriation. Ces indemnités accessoires sont les suivantes :

  • Les frais de déménagement : ils correspondent aux dépenses engagées par l’exproprié pour transporter ses meubles et ses effets personnels vers son nouveau logement ou local.
  • Les frais de relogement : ils correspondent aux dépenses engagées par l’exproprié pour acquérir ou louer un nouveau logement ou local, équivalent à celui qu’il occupait avant l’expropriation.
  • Les frais de remploi : ils correspondent aux dépenses engagées par l’exproprié pour placer le capital qu’il a reçu en indemnité, afin d’en tirer un revenu comparable à celui qu’il percevait avant l’expropriation.
  • Les pertes de revenus : elles correspondent à la diminution ou à la suppression des revenus que l’exproprié tirait de son bien, tels que les loyers, les bénéfices, les intérêts, etc.
  • Le trouble de jouissance : il correspond à la privation ou à la réduction de la jouissance du bien par l’exproprié, qui peut être affecté dans ses conditions de vie, de travail, de loisir, etc.
  • Le préjudice moral : il correspond à la souffrance morale ou psychologique subie par l’exproprié, qui peut être liée à l’attachement au bien, à la perte de repères, à la rupture de liens sociaux, etc.

Les recours contre l’expropriation

Les recours contre l’expropriation sont les moyens dont disposent les personnes expropriées pour contester la procédure ou l’indemnité d’expropriation. Ils peuvent être de nature administrative ou judiciaire, et doivent être exercés dans des délais précis.

Le recours administratif

Le recours administratif consiste à demander au préfet ou au ministre de retirer ou de modifier la déclaration d’utilité publique ou l’arrêté de cessibilité. Il peut être fondé sur un vice de forme ou de fond, tel qu’une irrégularité de procédure, une erreur de fait, une violation de la loi, etc. Il doit être exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification ou de la publication de l’acte administratif. Il n’a pas d’effet suspensif, c’est-à-dire qu’il ne bloque pas la poursuite de la procédure d’expropriation.

Le recours contentieux

Le recours contentieux consiste à saisir le tribunal administratif pour contester la légalité de la déclaration d’utilité publique ou de l’arrêté de cessibilité. Il peut être fondé sur les mêmes motifs que le recours administratif, et doit être exercé dans les mêmes délais. Il a un effet suspensif, c’est-à-dire qu’il bloque la poursuite de la procédure d’expropriation, sauf si l’urgence ou l’utilité publique le justifient. Il peut aboutir à l’annulation ou à la réformation de l’acte administratif, ce qui entraîne l’arrêt ou la modification de la procédure d’expropriation.

Le recours indemnitaire

Le recours indemnitaire consiste à saisir le juge de l’expropriation pour contester le montant de l’indemnité ou demander une indemnité complémentaire. Il peut être fondé sur une erreur d’évaluation, une omission, une aggravation ou une apparition d’un préjudice, etc. Il doit être exercé dans un délai d’un an à compter de la date de l’ordonnance d’expropriation ou de la date du paiement de l’indemnité. Il n’a pas d’effet suspensif, c’est-à-dire qu’il ne bloque pas le transfert de propriété du bien exproprié. Il peut aboutir à la majoration ou à la minoration de l’indemnité, ce qui entraîne le versement d’un complément ou d’une restitution.